Musée de l'Orangerie - Paris

Chronique de Jeanine Rémy

Monet et l'abstraction américaine

FHEL Les Capucins - Landerneau
FHEL Les Capucins - Landerneau

       Copyright Photo Bénédicte Oisel


L’exposition est terminée, mais son sujet exprimait le problème actuel de l’art, figuratif ou abstrait. 

Monet  est mort en 1926 après avoir fait don des panneaux de Nymphéas pour la rotonde installée au Musée de l’Orangerie. À l’inauguration, en 1927, le succès est mitigé, l’opinion dubitative. Encore les souvenirs de la guerre et l’idée d’un vieux peintre avec une mauvaise vue. Il fut opéré de la cataracte en 1923. On l’oublia, sa maison, son jardin, de nombreuses toiles abandonnés. La peinture se référait alors à Cézanne et à ses constructions solidement bâties. Cependant, en 1952, André Masson  publie un  Monet, fondateur de l’impressionnisme, visionnaire créateur de chefs d’œuvres modernes.  Il  le sort de l’oubli.  Le MOMA acquiert un tableau de Nymphéas en 1955. Barnett Newman écrit dès 1944 : « ce n’est pas Cézanne qui a déclenché la révolution dite de l’art traditionnaliste. L’honneur en revient aux impressionnistes qui ont libéré l’artiste …de l’influence de la Renaissance. Et des contraintes du traditionalisme  ». Dans ses tableaux, les «  Zips » verticaux nient l’horizontalité évoquant le paysage, afin que le tableau soit reconnu en tant que tel. Il insiste sur « here » ici et « just now » maintenant, aspiration à repartir à zéro, à peindre comme si la peinture n’avait jamais existé. Ellsworth Kelly visite Giverny à l’abandon un jour de l’été 1952. « J’ai peint  tableau vert, mon premier monochrome, le jour qui a suivi ma visite ». Pour lui, les plantes sont des motifs  en soi, des supports parfaits pour projeter une vision abstraite, la surface, la profondeur, la densité des éléments. Le pape de la critique d’art est Clément Greenberg. Il a remarqué le groupe d’artistes  qui semblent privilégier la matérialité colorée de la peinture. En 1954, il visite l’Orangerie et à son retour précise sa vision de « la peinture à l’américaine- American Type Painting ». Il écrit en 1956 « le dernier Monet-the Later  Monet » Il va réinventer Monet, tenant de l’abstraction et de la peinture gestuelle.

 

Jackson Pollock, peintre gestuel, a cherché du côté des nymphéas la spontanéité, la pulsion créatrice, pour danser autour de sa toile posée au sol, inventant the dripping. Cliffort Still, dès 1944, procède par de larges aplats d’une même couleur. Mark Rothko : pour lui, la couleur est une présence, une vision intérieure muée en évènement au présent.  À Houston, il décora la chapelle de panneaux  paraissant monochromes  en 1971.  De Kooning : son tableau  évoque pour moi  la Bordighera en Italie de Monet 1884. Joan Mitchell s’installe en France dès 1959, puis à Vétheuil en 1967 et achètera plus tard la maison de Monet. À travers sa gestualité, éruption d’énergie pure,  elle exprime les sensations ressenties devant le spectacle de la nature.

 

Sam Francis  visite l’Orangerie au début des années 1950, cherche un espace sans commencement ni fin. « Je fais du Monet tardif ». Helen Frankenthaler est une grande artiste de l’expressionnisme abstrait, puis du color-field painting. Morris Louis : sa série « les voiles » rappelle les irisations de Monet. la couleur devient le sujet de la peinture même. Notons qu’en 1961 l’exposition à New-York, des « Nouveaux Réalistes » fut écrasée par les formats immenses des américains. Les artistes américains abstraits se révoltent, sous le nom d’« irascibles », en 1950, contre la politique d’exposition en place. Ils veulent exprimer les méandres de leur conscience et le pathos de la conscience humaine. Mais, revenons à Monet. Monet lui-même plaide sa recherche éperdue de l’expression des sensations : « en cherchant à rendre mes impressions devant les effets les plus fugitifs », écrit-il en juin 1926. Donc un art régi par la couleur et les émotions. Il veut réinventer le paysage, d’où la série des meules de foin et des peupliers. « Je veux peindre l’air dans lequel se trouve le pont, la maison, le bateau. La beauté de l’air où ils sont, et ce n’est rien d’autre que l’impossible » Monet raconte les matins, les midis, les crépuscules, la pluie, la neige, le froid, le soleil, écrit Gustave Geffroy à propos des meules. Avec les nénuphars, avec les ponts japonais, Monet a libéré le geste pictural, abandonné la perspective traditionnelle, et donné libre cours à sa pulsion  « Le motif est quelque chose de secondaire, ce que je veux reproduire, c’est ce qu’il y a entre le motif et moi ». Une pulsation colorée,  un enchevêtrement avec perte des repères spatiaux touchant à l’abstraction.  « Abstraction lyrique ».                               

Greenberg est un critique « formaliste ». Pour lui, tout art doit tendre vers l’exploration de son propre médium. C’est ce qu’il appelle  Le Modermisme.»            Monet irait-il jusque-là ?                                                              

 

Photos

Copyright : Musée de l'Orangerie - Sophie Crépy-Boeygly

Musée de l'Orangerie

 

Jardin des Tuileries, côté Seine

75001 Paris

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