Musée Maillol - Banyuls sur Mer

Chronique d'Alain Assémat

Le sculpteur Aristide Maillol

J’ai visité, "le refuge de Maillol", à "la Métairie" près de Banyuls sur Mer à l’été 2020.


Après le confinement du printemps, et pouvant dépasser le rayon des 100Km imposé pendant 2 mois, nous avons poussé la visite jusqu’à Banyuls sur Mer, dans les Pyrénées-Orientales. Ce village connu nationalement par la renommée de son vin apéritif se situe aux confluences de Collioure, Céret, Port-Vendres, Perpignan… Il a vu passer, au fil des ans, de nombreux artistes en résidence ou en villégiature : Georges Braque, Max Jacob, Marc Chagall, Henri Matisse, Albert Marquet, Fernand Léger, Jean Peské, Raoul Dufy, Foujita, Othon Friesz, Paul Signac… parmi les nationaux, mais aussi le russe Chaïm Soutine, le polonais Willy Mucha, ainsi que les voisins ibériques Dali, Juan Gris, Miro, Picasso.

C’est dire l’attractivité pour les Arts de ce Sud lumineux et ensoleillé. 

Le sculpteur se protégeait de la gloire parisienne dans une métairie isolée sur ses terres natales. Aujourd’hui son âme palpite encore dans cette bâtisse rustique devenue musée un musée, un des plus modestes de la région, mais son charme est irrésistible ; l’âme d’Aristide Maillol (1881-1944) palpite encore dans cette rustique maison dominée par des vignes en terrasses, à quatre kilomètres de Banyuls sur Mer. 

Né à Banyuls en 1861, Aristide Maillol part s'installer à Paris à 20 ans, pour étudier à l'École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris, sous la direction du sculpteur Antoine Bourdelle.

Ses premiers travaux, des tapisseries, ont été réalisés à Banyuls, sous l'influence de contemporains comme Pierre Puvis de Chavannes ou Paul Gauguin.

Les sculptures de corps féminins aux courbes généreuses qui lui ont valu son grand succès, et qui sont considérées comme annonciatrices d'œuvres comme celles d'Henry Moore ou Alberto Giacometti, ne voient le jour que vers les 40 ans de l'artiste. Décédé en 1944, il repose dans le jardin de sa maison où il vécu à partir de 1910, dans le calme de la vallée de la Roume.

Lorsqu’il en fait l’acquisition cette année-là, l’artiste roussillonnais installé à Paris, est au début de sa gloire.

Cette demeure posée sur les hauteurs de Banyuls, à l'ombre des oliviers et des figuiers est aujourd'hui devenue un musée ouvert au public. On y trouve son tombeau, orné de la statue "La Méditerranée", mais aussi des céramiques, des bronzes, des peintures… On y découvre également son atelier, et dans ses murs, finalement sa vie quotidienne, ce qui permet de mieux comprendre son cheminement et son travail. 

Plusieurs de ses œuvres sont également visibles dans la ville, notamment son "Monument aux morts pacifiste", derrière la mairie, ou encore la "Jeune fille allongée", le long des Allées qui portent son nom. 

Maillol a débuté sa carrière dans peinture la peinture et s’est intéressé très tôt aux arts décoratifs : céramique et tapisserie, avant de se consacrer à la sculpture. Après des études à Perpignan, il se rend à Paris en 1882 où il vit des années difficiles. Il découvre notamment les tapisseries de La Dame à la licorne au musée de Cluny, et décide d’ouvrir un atelier de tissage à Banyuls. Sa peinture est-elle influencée par ses contemporains ? Il admire Puvis de Chavannes, et appartient au groupe des nabis, où il côtoie Bonnard, Vuillard et Maurice Denis, mais sa rencontre avec Paul Gauguin, en 1892, sera décisive. 

Ses sculptures aux formes épurées révolutionnent la tradition du statuaire.

« Ce qu’il y a d’admirable et d’éternel en Maillol, c’est la pureté, la clarté, la limpidité de son métier et de sa pensée », dit Rodin, percevant la modernité qui allait succéder à son romantisme échevelé. Il est vrai que les naïades lisses et méditatives de Maillol s’opposent aux volcaniques et expressives amantes de Rodin.

Grâce au succès et aux commandes, le Catalan dispose d’une confortable résidence à Marly-le-Roi. Attaché à ses racines il revient hiverner et travailler à Banyuls, où il a d’abord aménagé un atelier dans la résidence familiale, la "Maison Rose". Mais c’est dans cette petite métairie dans les collines de son enfance, qu’il travaillera lorsqu’il viendra passer les hivers au soleil méditerranéen. Le site escarpé ne permet pas de transporter les matériaux pour les imposantes sculptures qu’il affectionne, mais reste propice dessin au dessin et à la peinture, formes préparatoires aux œuvres en trois dimensions. 

Aristide Maillol fut l’un des sculpteurs les plus célèbres de son temps. Son œuvre, silencieuse, fondée sur des formes pleines, élaborées à partir de l’étude du nu féminin et simplifiées jusqu’à l’épure, représente une véritable révolution artistique, anticipant l’abstraction. Sa création a marqué le tournant entre le XIXe et le XXe siècle, inspiré nombre de grands artistes, dont Henry Moore, Arp ou Laurens et trouvé une résonance dans l’œuvre sculptée de Picasso, Brancusi ou Matisse. 

Durant les premières années du XXe siècle, Aristide Maillol travaille à des sculptures de très grand format. Le changement d'échelle ne l'effraie pas, bien au contraire : « Ce que je fais ce ne sont pas des femmes, mais des volumes et des surfaces ». 

Les plus imposantes pièces se situent dans le jardin des tuileries à Paris. Élaborées à Marly, trois sculptures monumentales achèvent le cycle entamé au début du siècle. Ce sont La Montagne (1937), L’Air (1938), monument à la mémoire des aviateurs de l’Aéropostale, puis La Rivière, corps féminin renversé en arrière, s’efforçant de résister au courant qui l’entraîne inexorablement, et dont le visage exprime l’effroi. C’est la première représentation en sculpture d’une figure sur le dos, en équilibre instable, sorte d’allégorie des temps troublés qui s’annoncent avec la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle Maillol se retire à Banyuls-sur-Mer. 

Il s’isole parfois plusieurs jours dans cette très spartiate thébaïde. Il puise l’eau au ruisseau et un berger fournit des fromages et des lapins de garenne. Ses modèles montent de Banyuls avec du ravitaillement. Pour protéger leur nudité du regard trop curieux d’un voisin, l’artiste a planté une haie de cyprès. Son épouse Clotilde sera longtemps son égérie. Plus tard il y aura la mutine Dina Vierny que madame Maillol initiera à la cuisine locale (Aristide était fin gourmet), tout en surveillant de près cette jeunette aux belles rondeurs. A la fin des années 30, une belle complicité unit le sculpteur chenu aux yeux clairs et l’intrépide immigrée moldave. Pendant la Seconde guerre mondiale, elle participe à des réseaux d’exfiltration entre la France et l’Espagne toute proche. Maillol la protège et intervient pour la faire libérer lorsque Dina est arrêtée par la Gestapo lors d’un retour à Paris. Il va trouver la mort juste après la Libération en septembre 1944, dans un accident de voiture sur la route de Vernet-les-bains en rendant visite à son ami Raoul Dufy. Inhumé au cimetière de Banyuls, le corps est transféré en 1961 à la métairie. Il y repose sous "Méditerranée", une autre de ses sculptures monumentales emblématiques. Une quarantaine d’œuvres (statuettes, peintures, lithographies et les grands torses en bronze de : Vénus, Printemps, été) sont présentées à l’intérieur de cette bâtisse longtemps abandonnée, réhabilitée grâce à l’acharnement de Dina Vierny. La dernière muse de Maillol, s’est éteinte en 2009, quelques jours avant son 90e anniversaire. 

C'est dans cette métairie transformée en musée, qu'Aristide Maillol passait les six mois les plus froids de l'année et où il passa les dernières années de sa vie.

Aujourd’hui, ce musée géré par la fondation Dina Vierny, son modèle, qui  s’est longtemps battue pour sauver la maison de la ruine et l’ouvrir au public en 1994, un an avant l’ouverture de l’institution parisienne, rue de Grenelle, abrite une quarantaine de statues – bronzes et terres cuites – ainsi que quelques belles photos, des peintures, lithographies et divers objets, illustrant la vie de Maillol.

En plus d'une exposition estivale, cette année consacrée aux dessins de Maillol, une jolie collection permanente anime la bâtisse ombragée. D'un niveau à l'autre, on croise une petite armée de corps féminins. Sages. En tout cas en apparence. Car les "femmes" de Maillol ne sont jamais totalement sages. Seuls des yeux naïfs se fieraient à leurs rondeurs rassurantes. Elles bougent, bouillent, respirent, rient, pleurent, hurlent ! Et on les entend bien à la métairie, derrière les murs épais, remparts inutiles face à ce qui, dehors, n'est que quiétude. Les bronzes, grands formats ou statuettes de 20 ou 30 centimètres, sont ici chez eux ; des nus assis, debout, allongés, accroupis, de profil… Les modèles de Maillol sont croqués sous toutes les coutures. Certaines pièces exposées ont aussi servi d’études pour ses sculptures monumentales. 

On y visite aussi, curieusement, la très belle cuisine et la salle à manger avec la table dressée prête à accueillir des convives qu'on se plaît à imaginer ripailleurs et rieurs. Le visiteur peut y visionner également un émouvant petit film qui lui est consacré, tourné à Banyuls quelques mois avant son décès... Pour son éternité, dans le joli jardin, la statue "La Méditerranée" achevée en 1905, veille, sereine, sur sa tombe. Un lieu unique où flotte l'âme de l'artiste. 

Photos

Copyright : Alain Assémat

Musée Maillol

Vallée de la Roume

66650 Banyuls sur Mer

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